giovedì 2 agosto 2007

Les lunettes et le parapluie de Nietzsche

[1]

« Plus d’un a cru que la nouvelle édition critique, publiée par Colli et Montinari, enrichirait et renouvellerait de façon décisive notre compréhension de Nietzsche. Il est vrai que, pour la première fois, nous disposons des cahiers de notes de Nietzsche dans leur ordre chronologique et dans une édition critique fiable. Nous ne dépendons plus de la rédaction et de la sélection opérées par la sœur de Nietzsche et par tous les éditeurs à sa suite, dans leurs publications des fragments posthumes. Il serait cependant naïf de croire qu’aujourd’hui que nous connaissons le Nietzsche authentique, nous sommes définitivement libérés des préoccupations qui ont tourmenté les interprètes antérieurs. Dans un récent opuscule de Derrida, Les Éperons de Nietzsche (sic), nous trouvons un chapitre entier consacré à une note de Nietzsche. La note dit ceci : “J’ai oublié mon parapluie”. Ces quelques mots inspirent à Derrida un élégant essai. Peut-être Nietzsche a-t-il vraiment oublié son parapluie. Qui sait ? Peut-être ce fait anodin cache-t-il quelque chose de significatif ? Quoiqu’il en soit, l’exemple montre combien la manie de publier l’intégralité d’un auteur est aussi une façon caractéristique de cacher des choses essentielles parmi d’autres qui ne le sont pas » (Gadamer [2]).
Aussi précieux soit-il, le travail éditorial de Colli et Montinari ne saurait être pris pour l’herméneutique plenitudo temporum annoncée par les interprètes impatients de se débarrasser des problèmes inquiétants inhérents à la lecture de Nietzsche. La mise en garde de Gadamer date de 1986, et il y avait déjà un bon moment que ces questions avaient été bannies au nom de la political correctness et du bon ton. Cependant, l’édition Colli-Montinari devait elle-même confirmer la présence, chez un philosophe par ailleurs extraordinairement riche et stimulant, de motifs qui, aujourd’hui, ne peuvent pas ne pas évoquer de sinistres échos : éloge de l’eugénique et de la « sur-espèce », apologie de l’esclavage d’une part, de l’« élevage » de l’« espèce supérieure des esprits dominateurs et césariens » d’autre part, appel à l’« anéantissement de millions d’individus manqués », invocation d’un « marteau destiné à briser les races décadentes et mourantes, à les éradiquer afin d’ouvrir la voie à un nouvel ordre vital ».
Le désapointement de Gadamer
Comment expliquer que le « parapluie » oublié par Nietzsche suscite plus d’attention que les motifs évoqués ici ? Il faut faire intervenir ici la seconde partie de la mise en garde de Gadamer, que nous avons, comme la première, mise en italiques. Le fait que cette édition donne à tous les fragments du philosophe une importance égale doit susciter notre méfiance : les fragments les plus inquiétants se trouvent ainsi noyés au milieu d’une masse de détails relatifs aux plus minces épisodes de la vie de Nietzsche. Peut-être Gadamer pousse-il un peu loin l’herméneutique du soupçon. Le problème, c’est qu’il n’est même pas exact que l’édition Colli-Montinari nivelle indistinctement tout. Dans la Großoktav-Ausgabe (vol. XIII, p. 43), nous pouvons lire ce fragment:
Celui qui, en tant qu’homme de connaissance, a reconnu qu’en toute croissance et à côté d’elle s’exerce en même temps la loi du dépérissement et que pour la création une décomposition et un anéantissement impitoyables sont nécessaires, celui-ci doit apprendre en outre à tirer une sorte de joie de cette vision pour pouvoir la supporter – ou il ne sera pas apte à la connaissance. C’est-à-dire qu’il doit être capable d’une cruauté raffinée et de se former à elle d’un cœur résolu. Si sa force se situe encore plus haut dans la hiérarchie des forces, s’il est lui-même un des créateurs et non pas seulement un spectateur, il ne suffit pas qu’il soit capable de cruauté à la vue de beaucoup de souffrance, de décadence, de mort : un tel homme doit être capable de créer lui-même la souffrance avec joie, il doit connaître la cruauté de sa main, en acte, et non pas seulement avec les yeux de l’esprit [3].
Rapporté dans une édition encore considérée comme prestigieuse, inséré par Baeumler dans son anthologie nietzschéenne destinée à illustrer et célébrer l’« innocence du devenir » [4], le fragment est ensuite repris par Nolte qui l’utilise pour étayer sa lecture. Nietzsche aurait riposté à l’« anéantissement » de la bourgeoisie invoquée par Marx par un projet de « contre-anéantissement » : « Avec plusieurs dizaines d’années d’avance, Nietzsche a fourni à l’antimarxisme politique radical du fascisme, son archétype spirituel, et on peut dire que Hitler lui-même n’a jamais été tout à fait au niveau de cet archétype » [5]. C’est une thèse provocante qui peut-être aurait mérité une discussion beaucoup plus ample que celle à laquelle elle a donné lieu. Mais qu’advient-il du fragment en question à l’intérieur de l’édition Colli-Montinari ? En tant que version préparatoire du § 229 de Par delà le bien et le mal [6], il est reporté dans les « Notices et notes » de l’édition Adelphi de Par delà le bien et le mal et dans les volumes de l’apparat critique de la Kritische Gesamtausgabe et de la Kritische Studienausgabe, pour disparaître totalement de la version numérique de la Kritische Studienausgabe qui, en l’état actuel, ne reproduit pas les volumes consacrés à l’apparat critique.
Dans le numéro de la revue Belfagor du 30 septembre 2002 [7], nous avons déjà consacré une étude à Socrate et la tragédie, la conférence prononcée par Nietzsche le 1er février 1870. Tandis que la conclusion originale du texte (« Ce socratisme, c’est la presse juive (die jüdisce Presse) » qui reflète l’intention véritable de l’auteur, est reléguée par la Kritische Gesamtausgabe dans les volumes de l’apparat critique, cette conclusion disparaît totalement tant de la version numérique que de la version italienne de l’édition Colli-Montinari.
On voit ici poindre un péril plus grave que celui contre lequel Gadamer nous mettait en garde. Le problème n’est pas que « la manie de publier la totalité d’un auteur » finit par « cacher des choses essentielles parmi d’autres qui ne le sont pas ». Ce qui se passe, c’est plutôt que des annotations tout à fait banales (non seulement « j’ai oublié mon parapluie », mais aussi « ne mets pas tes lunettes dans la rue » ou « le soir, vêtements chauds ! », etc.) tendent à marginaliser et même à faire disparaître l’hymne à la gloire de l’anéantissement et la dénonciation du rôle néfaste de la « presse juive ».
« Acharnement » ou « amélioration » ?
Certaines voix insoupçonnées se sont fait entendre pour reconnaître, d’une façon ou d’une autre, l’importance de ces problèmes. Après avoir mené une confrontation très critique à la lecture que j’ai développée dans ma monographie dédiée à Nietzsche [8], Sosso Giametta observe néanmoins : « L’ouvrage a, quoi qu’il en soit, un grand mérite : celui de mettre fin, avec les instruments historiques, philologiques et critiques les plus fiables, à l’herméneutique de l’innocence qui arrache Nietzsche à son contexte et à ses racines historiques » ; c’est là une « tendance » herméneutique qui « s’est même emparée des meilleurs esprits, parmi lesquels les deux éditeurs [Colli et Montinari], et les a induit à quelques erreurs que Losurdo s’acharne à fustiger » [9].
Que dire de ces affirmations ? On ne peut pas ne pas apprécier l’honnêteté intellectuelle d’une personne qui, après avoir fourni une contribution de premier plan à la version italienne de la nouvelle édition critique, reconnaît autre chose que la présence (compréhensible, voire inévitable) des erreurs de traduction et de même ordre. Plus essentielle est la reconnaissance que ces erreurs répondent en, quelque sorte à une logique ou à une « tendance » interprétative précise. En ce qui regarde mon « acharnement » présumé, il convient de préciser que je me limite à mettre en évidence le poids qu’une telle herméneutique de l’innocence exerce encore aujourd’hui dans l’édition Colli-Montinari, nonobstant ses mérites inégalés : Giametta va plus loin lorsqu’il laisse échapper qu’une telle herméneutique « s’est emparée » des deux éditeurs.
A un autre endroit, Giametta formule un jugement encore plus sévère sur Montinari, quoiqu’il s’agisse cette fois plutôt de son travail d’interprète que d’éditeur : « [Montinari] proclame que même en politique, il faut tenir compte de Nietzsche, de sa critique et de son attitude. Mais sans les vérités qui blessent les yeux et les oreilles. Sans ses erreurs et ses horreurs, comme l’apologie de “la morale cannibale qui devrait être imposée dictatorialement”, comme le dit Rohde, apologie qui trouve précisément sa place, sans la moindre équivoque, dans Par delà le bien et le mal […]. Ainsi triées, toutes les choses que Montinari affirment se veulent importantes. Malheureusement – il faut le dire –, elles sont banales, quand elles ne sont pas fausses » [10].
Je ne sais si « toutes » les affirmations de Montinari sont « banales » ou « fausses » : ce qui est certain, c’est que sa tendance à écarter « les erreurs et les horreurs » de Nietzsche est bien présente dans son travail d’éditeur, tout du moins dans les notes et les commentaires qui accompagnent la version italienne. Je répète donc ce que j’ai déjà écrit dans la revue « Belfagor » et dans l’appendice de mon ouvrage : mon intention est de contribuer à l’« amélioration » de la nouvelle édition critique. Pour n’évoquer ici que les problèmes les plus simples : le lecteur de l’édition italienne n’a-t-il pas le droit d’être informé du fait que la conférence du 1er février 1870 conclue sur une invective contre la presse juive ? Est-il acceptable que le lecteur, informé de l’agitation suscitée par la conférence chez Cosima et Richard Wagner, soit totalement ignorant du motif de cette agitation (la dénonciation publique du judaïsme, synonyme du socratisme) ? Peut-on considérer comme correct du point de vue philologique de mentionner, dans le commentaire de la lettre de Nietzsche à Wagner du 22 mai 1869, la célébration du « sérieux germanique de la vie », tout en taisant que cette vision du monde apparaît chez Nietzsche au sein d’une dichotomie dans laquelle elle se trouve opposée à « l’invasion judaïque » ? Et, pour donner un rapide aperçu des problèmes de traduction, ne serait-il pas opportun de mettre fin à la joyeuse confusion entre « culture » (Cultur) et « civilisation » (Civilisation), deux termes auxquels Nietzsche donne un sens bien différent, voire antithétique [11] ? C’est bon signe que l’on reconnaisse que certaines de mes « mises au point » sur la traduction « puissent être prises en compte ». Il va de soi que la discussion ne porte pas sur la « bonne foi » et la « probité intellectuelle » de Colli et Montinari [12] : mais on ne voit pas pourquoi ces mêmes qualités devraient être déniées à Lukàcs, comme le fait La Repubblica dans un article anonyme (une touche d’élégance !), qui utilise l’adjectif « lukaccien » comme un équivalent de « policier » [13] : faire porter un soupçon grossier sur ses adversaires tout en les écartant dédaigneusement de soi et de son parti, c’est la définition même du dogmatisme !
Emerson et Nietzsche
Parmi ceux qui ont réagi à ma remise en question de l’herméneutique de l’innocence, il faut placer en position éminente celle d’une personne que j’ai déjà critiquée comme l’un des représentant majeur de cette herméneutique, Gianni Vattimo. Celui-ci reconnaît que, malgré son admiration pour Emerson, Nietzsche « ne partageait pas son engagement pour l’abolition de l’esclavage » [14] : l’éloge de l’esclavage comme fondement inéluctable de la culture n’est donc pas une simple métaphore ! Vattimo souligne aussi la présence de « certaines contradictions de l’individualisme auxquelles nous nous trouvons aujourd’hui encore confrontés » : peut-on considérer comme authentiquement individualiste une vision du monde (celle du théoricien du radicalisme aristocratique et de la tradition libérale à sa suite), qui, tout en célébrant les élites individuelles, assimile l’immense majorité de l’humanité à des instruments de travail et de machines bipèdes ? L’émancipation dont parle la tradition libérale classique et, en des termes autrement plus radicaux et plus fascinants, Nietzsche ne concerne jamais les individus compris universellement. C’est pourquoi le philosophe allemand, tout en manifestant une conscience critique nettement supérieure à celle de ses prédécesseurs libéraux, se garde bien de faire profession d’individualisme ; il souligne au contraire que la morale « individualiste » souffre du même défaut que la « morale collectiviste » : l’affirmation de valeurs égalitaires et la revendication d’une « même liberté » et d’une « indépendance d’esprit » identiques pour tous indistinctement. Le vice fondamental partagé par le christianisme et le socialisme consiste à présupposer des âmes ou des individus fictifs où il n’y a en réalité que des instruments de travail. Pour conclure, Vattimo, s’efforce légitimement de valoriser les « traités les moins “nazis” de son auteur » (Nietzsche) : il reste cependant entendu que nous n’avons pas affaire à un auteur politiquement pur ; et qu’il faut donner congé à l’herméneutique de l’innocence !
La lecture de Vattimo reste cependant parsemée d’hésitations et d’oscillations. Celui-ci croit pouvoir reprendre à son compte, tout du moins partiellement, une interprétation sur un mode politiquement pur : après tout – suggère-t-il –personne ne songerait à faire porter sur le philosophe américain les soupçons et les accusations qui pèsent sur le philosophe allemand. En réalité, même pour Emerson, cette herméneutique de l’innocence se révèle inconsistante. Il est clair que ce dernier n’a pas vécu le traumatisme de la Commune de Paris et de la spirale révolutionnaire qui, après avoir dévasté la France, semble avoir trouvé son terrain d’élection dans l’Allemagne de la fin du XIXe siècle, menacée par l’avancée de la social-démocratie, c’est-à-dire d’un parti perçu, pour le meilleur ou pour le pire, comme à la pointe de la révolution culturelle de l’époque. Et pourtant les motifs troubles ne manquent pas chez le penseur nord-américain : éloge des grands hommes (qui seuls donnent un sens à un monde infesté de « pygmées », et ont pour cela plein droit d’immoler des « millions d’hommes », « impitoyablement et sans épargner le sang »), insistance sur le rôle de la race (« nous connaissons le poids que la race exerce dans l’histoire ») et sur le caractère fatal de l’expansion des « races instinctives et héroïques », exaltation de la guerre qui « nettoie le terrain des races corrompues et des foyers de la maladie » [15], etc. La réception d’Emerson est elle aussi tout à fait significative. Chamberlain s’est réclamé de certains aspects de sa pensée [16] ainsi que, avec un enthousiasme tout particulier, Henry Ford, le grand dénonciateur du complot judaïco-bolchévique dont la menace s’étend sur le monde, un auteur qui, précisément à cause de ces thèmes, a joui d’un grand prestige sous le Troisième Reich [17]. Emerson est comme on sait en excellents termes avec Carlyle, qui est désigné, avec Chamberlain, à parrainer le nouveau régime de l’Allemagne de 1935 [18]. Les « deux Britanniques » ont le mérite commun d’avoir mis en valeur « l’idée du Führer et la pensée de la race » ; par leur vision aristocratique du monde, ils ont resserré les liens qui doivent à l’avenir unir les deux peuples destinés à la domination. On pourrait étendre cet éloge à l’écrivain nord-américain qui a lui aussi insisté sur la l’origine raciale et la mission impériale communes des Allemands, Anglais et Américains. Il est donc peu probable que l’on puisse mettre Emerson à l’abri, sur l’île de la culture pure. Le fait est qu’en dépit de l’âpreté de sa polémique avec Lukàcs, Vattimo semble partager avec lui un présupposé fondamental : tous deux raisonnent comme si les motifs les plus douteux de l’idéologie de la fin du XIXe siècle, hérités, radicalisés et transformés par le nazisme, s’étaient formés au sein d’un processus exclusivement interne à l’Allemagne !
Pour ce qui est d’Emerson, notons enfin un chapitre dans sa réception qui témoigne des aléas de l’histoire. Après avoir été porté par les chauvins au panthéon des « esprits impériaux de sa race » à la suite de la déclaration de la guerre d’Espagne, il fait l’objet d’une critique impitoyable des adversaires de la sale guerre du Vietnam : « C’est Emerson qui a libéré notre politique et nos politiques de tout sens de la retenue » [19].
Le ministère public et l’accusée : une étrange complicité
Malgré notre désaccord permanent avec Vattimo, il reste que son intervention est symptomatique : l’herméneutique de l’innocence appliquée à Nietzsche n’est plus un tabou intouchable. Il se peut que commence à vaciller la tendance à se débarrasser des « préoccupations » auxquelles Gadamer faisait référence en les portant au compte de deux boucs émissaires. Le premier est, comme on l’a dit, incarné par Élisabeth qui aurait adapté la philosophie de Nietzsche aux exigences du nazisme. C’est une thèse à laquelle peu osent encore s’opposer. Qu’importe si la rédaction de la biographie qu’elle a dédiée au philosophe se situe au tournant des XIXe et XXe siècle. Qu’importe aussi si la publication de la Volonté de puissance date de 1901 (de 1906 pour la seconde édition), dans l’Europe de la « belle époque », c’est-à-dire à un moment où personne n’était en mesure de prévoir l’abcès hitlérien ni même le déclenchement de la première guerre mondiale. Pour ne pas avoir à affronter les tourments de leur conscience, les herméneutes de l’innocence n’hésitent pas à attribuer à la malheureuse Élisabeth des dons extraordinaires de divination, et à en faire un Nostradamus en jupons, capable non seulement de prévoir un futur lointain, mais aussi d’œuvrer activement et avec succès à sa réalisation funeste.
Le plus beau est que, en dépit de l’âpreté du réquisitoire, le ministère public finit révéler des points de convergence insoupçonnés avec la malheureuse accusée. C’est pour reprendre à son compte, quoique sur des fondements plus faibles, l’herméneutique de l’innocence, que Vattimo fait le lien entre Nietzsche et Emerson : mais Élisabeth, dans sa biographie, avait déjà elle-même souligné que le philosophe « aimait tout particulièrement » l’écrivain américain [20]. Colli et Montinari insistent sur le caractère étranger de Nietzsche vis-à-vis de l’antisémitisme et de la judéophobie ? C’est là exactement le point de vue d’Élisabeth. Si les deux éditeurs, en publiant Socrate et la tragédie, rejètent la conclusion de la conférence (« ce socratisme, c’est la presse juive ») dans les apparats critiques, quand ils ne la suppriment pas purement et simplement, la sœur outragée du philosophe procédait de la même façon. Celle-ci, dans sa biographie, se réfère amplement à cette conférence, tout en passant sa conclusion sous silence ; elle rapporte les réactions à la fois admiratives et inquiètes de Cosima et Richard Wagner, mais sans préciser que ce qui les avait provoquées était l’identification explicite du socratisme et du judaïsme. D’ailleurs, Colli et Montinari suggèrent eux-mêmes que ce n’est peut-être pas l’auteur de la conférence qui a lui-même arraché la page finale de Socrate et la tragédie, qui contient la conclusion que nous avons vue. Comment expliquer le geste d’Élisabeth sinon par sa volonté de mettre le philosophe à l’abri des accusations d’antisémitisme ?
Élisabeth est la destinataire des lettres dans lesquelles le jeune Nietzsche donne libre cours à sa judéophobie : celui-ci se vante d’avoir « enfin » trouvé une auberge où il est possible de jouir de ses repas sans avoir à subir la vue de ces « espèces de mufles juifs », ainsi que, toujours en se référant aux Juifs, de ces « singes dégoûtants dépourvu d’esprit et autres commerçants » ; à l’opposé, il exprime son mécontentement au théâtre, à l’occasion d’une représentation de l’Africaine de Meyerbeer (le compositeur d’origine juive raillé par Wagner), de tomber sur des « Juifs et des acolytes des Juifs où qu’on tourne le regard ». Il va jusqu’à écrire, s’adressant à sa sœur : « Comment peux-tu exiger de moi que je commande un livre chez un antiquaire juif insolent ? » Élisabeth évite de claironner ces lettres : au contraire, elle étend sur elles un voile charitable de silence : mais n’est-ce pas de la même façon que procède l’édition Colli-Montinari ? Voici un autre exemple significatif. Après l’éreintement de la Naissance de la tragédie, Nietzsche flétrit Willamowitz en le traitant de « jeune homme infesté par l’arrogance juive » ; il ironise aussi sur la froideur du maître, ou de l’ex-maître Ritschl, en la mettant sur le compte de sa culture marquée par l’empreinte alexandrine, ou plus exactement « hébraïco-romaine ». On trouve des accents comparables dans les réactions du cercle d’ami du philologue-philosophe de Bâle. Élisabeth pour sa part se limite plus froidement, dans sa biographie, à critiquer l’étroitesse d’horizon des philologues de profession. En dernière analyse, si la violente judéophobie du jeune Nietzsche est restée dans l’ombre pendant tant de temps, c’est en tout premier lieu grâce au voile pudique que sa sœur complaisante a étendu sur elle.
Loin d’adapter la pensée de son frère aux exigences idéologiques du nazisme (avec plusieurs décennies d’anticipation !), Élisabeth a plutôt tendu à atténuer ou à supprimer ses déclarations les plus abjectes. C’est à l’opposé Brandes, un disciple pendant un temps très estimé du maître, qui a interprété Nietzsche en faisant de lui le champion des formes les plus radicales et abjectes de l’eugénisme (celles dont le nazisme a hérité) : « l’hygiène qui maintient en vie des millions d’êtres faibles et inutiles, qui devraient plutôt mourir, ne constitue pas pour lui [i.e. Nietzsche] un véritable progrès » ; en vérité, « la grandeur d’un mouvement doit être mesurée aux sacrifices qu’il réclame ». En conclusion, les préoccupation qui inspirent les apologistes contemporains sont les mêmes que celles qui inspiraient la sœur de Nietzsche : il s’agit de lui ériger un monument. Il est clair qu’un monument post-moderne ne peut pas ne pas être différent d’un monument de l’époque guillaumienne.
La seul point d’appui celui qui veut désespérément s’agripper à la thèse du complot d’Élisabeth est constitué par l’hommage que lui rend Hitler en 1934, et qu’il rend à sa dépouille mortelle l’année suivante. Mais l’appui est bien glissant ! Ce n’est bien évidemment pas à la veuve Förster que le Führer entend publiquement rendre hommage, mais bien à la sœur du philosophe dont il se réclame. Il a quelque raison de se réclamer de Nietzsche, tout du moins si on en croit Heidegger, qui observe en 1936 : « Mussolini et Hitler, les deux hommes qui ont initié un contre-mouvement par rapport au nihilisme, ont tous deux été les disciples de Nietzsche, même si c’est de façon bien différente ». Sans doute Élisabeth ne se montre-t-elle pas insensible aux révérences et salamalecs du Führer : son frère est enfin devenu un monument national ! Et pourtant cet accueil de façade ne va pas sans cacher bien des réserves, et même une certaine ironie : après la visite d’Hitler à Weimar, Élisabeth note qu’il lui a donné « l’impression d’un homme plus important sur le plan religieux que sur le plan politique » [21]. Heidegger se révèle bien plus ému dans son enthousiasme. Il est tellement fasciné par le Führer qui fait taire les timides objections de Jaspers en lui opposant cet argument : « Observe ses mains merveilleuses ! » [22]. Pourquoi accuser une pauvre femme plutôt que d’un grand interprète d’avoir rompu le charme de la lecture politiquement neutre de Nietzsche ? Nullement impressionnées par cette objection, les herméneutes de l’innocence se tirent d’embarras en immergeant Heidegger dans le même bain purificateur pour le nettoyer lui aussi de toute scorie politique.
Le conflit des facultés : philosophes et historiens
Le second mythe, qui trouve son bouc émissaire non plus dans Élisabeth mais dans Lukàcs, se révèle tout aussi insoutenable. Pour s’en rendre compte, il suffit de se livrer à une simple expérience intellectuelle. Imaginons un étudiant qui veut travailler sur Nietzsche. Il commence par fréquenter un département de philosophie, où règnent, à peu près sans contradiction, les Kaufmann, Deleuze, Foucault, Bataille, Vattimo et Cacciari, tous d’accord, avec des accents variables, pour dénoncer le complot d’Élisabeth et le délire idéologique de Lukàcs. Mais si à l’aventure cet étudiant s’arrête dans une classe d’histoire, il se trouvera face à une ligne d’interprétation bien différente : les historiens éminents tels Ritter, Hobsbawm, Elias, Mayer, Nolte, s’accordent, malgré leurs orientations différentes, à situer Nietzsche dans le contexte de la réaction antidémocratique de la fin du XIXe siècle, d’où naît le mouvement qui débouchera sur le fascisme. En classe de philosophie, l’herméneutique de l’innocence est de rigueur. A l’inverse, Mayer disait au sujet de la philosophie de Nietzsche : « On peut dire tout ce que l’on veut de la nouvelle Weltanschauung, sauf qu’elle fut innocente ». Mettons que cet historien nord-américain soit trop compromis avec la gauche (le livre auquel nous nous tirons cette citation est dédié à Marcuse), et tournons nous vers Nolte : pour le champion du révisionnisme en histoire, Hitler est, comme nous l’avons vu, une sorte de disciple un peu timide et hésitant de Nietzsche ! Plutôt que d’en vouloir à Lukàcs, les herméneutes de l’innocence feraient mieux d’ajuster leur tir. Lichtheim ne manquait pas aussi de manifester un souverain mépris à l’égard du philosophe marxiste hongrois. Mais voyons ce qu’il affirme de Nietzsche : « Il n’est pas exagéré de dire que s’ils ne l’avaient trouvée chez Nietzsche, les SS, troupes d’assaut d’Hitler et centre nerveux de tout le mouvement, n’auraient pas eu la source d’inspiration intellectuelle qui leur a permis de mener un programme de génocide dans l’Europe orientale ». La thèse est erronée. D’une part, lorsqu’il théorise l’« anéantissement des races décadentes », Nietzsche ne pense sans doute pas aux slaves qui, à la fin du XIXe siècle, sont encore considérés comme partie intégrante du monde « civil » (selon une opinion partagée Chamberlain lui-même). D’autre part, instaurer un rapport immédiat et exclusif entre cet « anéantissement » et le Troisième Reich constitue un enjolivement de la tradition coloniale et de l’Occident libéral, comme si l’éradication de la face de la terre des peaux-rouges ou des aborigènes d’Australie et d’Afrique australe n’était pas une réalité effective dès la fin du XIXe siècle !
Il reste néanmoins un problème : pourquoi les herméneutes de l’innocence, plutôt que de s’en prendre à Lukàcs, ne se mesurent-ils pas avec les historiens cités plus haut et avec les spécialistes les plus récents et les plus reconnus du Troisième Reich (par exemple Kershaw), qui tous soulignent le poids important qu’a exercé la lecture de Nietzsche dans la formation idéologique d’Hitler ? La divergence des cultures scientifiques et humanistes a autrefois donné lieu à un vaste débat qui s’est conclu sur un constat d’échec diffus : on a alors invoqué la difficile communication entre les deux cultures. Aujourd’hui, c’est à l’intérieur même de cette culture humaniste qu’il semble y avoir incommunicabilité entre la recherche philosophique et la recherche historique, cette dernière apparaissant, aux yeux des philosophes-prêtres du culte de Nietzsche, comme la profanation d’un rite sacré.
Les refoulements de la « nouvelle droite » et de la gauche post-moderne
On voit dès lors toute l’inconsistance de l’accusation traditionnellement portée contre Lukàcs d’avoir repris, quoiqu’en portant un jugement de valeur opposé, le portrait de Nietzsche tracé par Bauemler [23]. Cette accusation ignore avec désinvolture l’Heidegger des années 30 ainsi que tout un groupe d’historiens contemporains.
De nos jours, en vérité, la nouvelle droite, tout comme la gauche post-moderne, s’efforce de mettre à l’écart les déclarations les plus abjectes de Nietzsche : dans sa quête d’une nouvelle respectabilité, elle se trouve grandement embarrassée devant l’appel à « l’anéantissement des races décadentes » et de « millions d’individus dégénérés ». Cela apparaît très clairement dans la récente traduction italienne du livre consacré au philosophe écrit en 1931 par Alfred Bauemler, qui devait adhérer deux ans plus tard au parti nazi. La Zucht et la Züchtung dont parle Nietzsche son traduits par l’« addestramento » (instruction). Le terme utilisé a sans doute une résonance militaire et guerrière, qui le distingue de la banale et philistine « educazione » (éducation), terme auquel les traducteurs et interprètes post-modernes ont volontiers recours. Cependant pas plus que l’« éducation », l’« instruction » ne donne la mesure du programme eugéniste du « nouveau parti de la vie » cher à Nietzsche, qui encourage la prolificité des couples d’individus sains et prône l’interdiction du mariage pour les individus dégénérés, et même leur « castration » et leur « anéantissement ». C’est pourquoi le « nouveau parti de la vie » (référence explicite à Galton) ne se limite pas à recommander l’« éducation » ou l’« instruction » de la race des seigneurs et de la race des esclaves, mais exige leur « élevage ». Mais, comme la gauche post-moderne, la nouvelle droite, qui cherche à redéfinir son programme anti-égalitaire en des termes culturels plutôt que naturalistes ou biologiques, voit dans l’eugénique nietzschéenne un poids encombrant dont il convient de se débarrasser.
De même, Übermensch est rendu, dans la récente traduction italienne de Bauemler, non par le traditionnel « superuomo » (surhomme), mais par « sovrauomo » (archi-homme). Même dans ce cas, l’analogie saute aux yeux avec la traduction chère à Vattimo d’« oltreuomo » (outre-homme). Dans le discours de Zarathoustra, le « surhomme » renvoie à la « sur-espèce » : ici encore se profile l’ombre de l’eugénique. Mais celle-ci en cache une autre, encore plus inquiétante, projetée par une catégorie centrale, et particulièrement funeste, du discours idéologique nazi. La catégorie d’Untermensch ne peut que très difficilement être séparée de celle d’Übermensch : ce sont là deux termes constitutif d’une même dichotomie conceptuelle. De fait, celui qui met en garde contre le péril mortel pour la civilité que représente l’Untermensch (la masse des « sauvages et des barbares », « essentiellement inaptes à la culture et éternels ennemis de celle-ci ») est un auteur qui a lu quelque chose de Nietzsche. Le reprenant à son compte, singeant son style, brandissant les livres chers à Nietzsche lui-même, il part en guerre contre le « fétiche » ou l’« idole » de la « démocratie », évoque une « nouvelle aristocratie » ou une « nouvelle noblesse » et exprime son admiration pour Théognis et sa prise de position contre les mariages mixte entre noblesse et plèbe. L’« oltreuomo» cher à la gauche post-moderne ou le « sovrauomo» cher à notre nouvelle droite sont appelées à opérer le miracle qui consiste à faire disparaître l’eugénique, mais aussi et surtout l’Untermensch !
Il y a cependant un coup de théâtre dans cette aventure linguistico-idéologique : l’auteur dont il s’agit ici n’est pas un Allemand, mais un Nord-Américain qui a fait ses études en Allemagne et qui, en 1922, forge pour la première fois le terme Under Man, dont la présence menaçante attire l’attention dès le sous-titre de son ouvrage. Le livre est immédiatement traduit en Allemagne : l’Under Man devient ainsi l’Untermensch, catégorie célébrée avec passion par Rosenberg qui reconnaît sa dette vis-à-vis de Lothrop Stoddard, l’auteur nord-américain en question, qui a par ailleurs reçu l’approbation de deux présidents américains, Harding et Hoover. Comme on le voit, l’alternative à laquelle s’oppose l’herméneutique de l’innocence ne se présente pas sous la forme d’une ligne droite qui irait Nietzsche à Hitler ! Avant même de renvoyer au bolchevisme oriental et asiatique, l’Untermensch pris à parti par l’idéologue nord-américain renvoie aux noirs et aux peaux-rouges, qui, dans les années qui suivent la Guerre de Sécession, sont victimes pour les premiers d’une violence terroriste, pour les seconds d’un véritable génocide. Des considérations semblables peuvent être faites sur l’autre terme de cette dichotomie conceptuelle. Au début du XXe siècle, nous voyons un poète anglais, John Davidson, se référer avec chaleur à la théorie du surhomme tout en la critiquant du fait de son caractère cosmopolitique. Nietzsche a en effet laissé échapper une vérité fondamentale : « L’Anglais est le surhomme, et l’histoire du surhomme est l’histoire de l’Angleterre ». A la même époque, un autre chantre de l’impérialisme, l’italien Angelo Mosso, particulièrement fasciné par l’épopée du Far West, est d’un avis différent : pour lui, « le yankee représente le surhomme » [24].
Pour comprendre donc les motifs les plus abjects de la philosophie de Nietzsche (l’autre face du projet radical et fascinant d’émancipation qu’il réserve à l’élite très restreinte de la caste aristocratique et des surhommes), il ne suffit pas de remonter à la fin du XIXe siècle plutôt qu’en 1933 : il faut ajouter que, avant même d’être héritée et radicalisée par le nazisme, l’idéologie trouble diffusée au tournant des XIXe et XX siècle a pénétré, bien au-delà de la seule Allemagne, l’Occident dans son entier.
Nous revenons ainsi aux « préoccupations » et aux problèmes inquiétants auxquels faisait référence Gadamer : ne conviendrait-il pas de les reprendre et de les rediscuter dans une perspective neuve, plutôt que s’obstiner à vouloir les éliminer ? Ou faut-il que le devant de la scène soit occupé par les lunettes et le parapluie de Nietzsche ?

[1]. Nous traduisons ici un article paru en italien dans la revue « Belfagor. Rassegna di varia umanità », le 31 janvier 2004, p. 1-13.
[2]. Hans Georg Gadamer, Das Drama Zarathustras (1986), tr. it., di Carlo Angelino, Il dramma di Zarathustra, Genova, Il melangolo, 1991, p. 29 (trad. fr., un peu différente, Ch. David, Nietzsche l’antipode. Le drame Zarathoustra, Paris, Allia, 2000, p. 18). Nous soulignons. Pour la référence de Gadamer à Derrida, cf. Jacques Derrida, Éperons. Les styles de Nietzsche, Paris, Flammarion, 1978 ; p. 103-113.
[3]. Colli-Montinari, trad. fr. C. Heim, I. Hildebrand et J. Gratien, Paris, Gallimard, t. VII, p. 379.
[4]. Cf. Alfred Baeumler (a cura di), Friedrich Nietzsche. Die Unschuld des Werdens, Leipzig, Kröner, 1931 (vol. I, p. 252).
[5]. Ernst Nolte, Der Faschismus in seiner Epoche (1963), trad. fr. P. Stephano, Le Fascisme et son époque, Paris, Juilliard, 1970, t. III, p. 467 (tr. it., di Francesco Saba Sardi e Giacomo Manzoni, I tre volti del fascismo, Milano, Mondadori, 1978, p. 617).
[6]. Sur le § 229 de Par delà le bien et le mal, cf. Giuliano Campioni, « Il frammento scomparso », in La Repubblica, 1er octobre 2002, p. 43.
[7]. « Come si costruisce l’innocenza di Nietzsche. Editori, traduttori, interpreti », dans Belfagor ; cf. aussi « Intervista immaginaria. Nietzsche, l’innocenza e l’indignazione », dans Belfagor, 30 septembre 2002.
[8]. Nietzsche, il ribelle aristocratico. Biografia intellettuale e bilancio critico, Torino, Bollati Boringhieri, 2002. Cette monographie sert de cadre général à cette discussion : afin de ne pas surcharger cet article de notes, je ne m’y réfère pas sur les questions de détail.
[9]. Pour la critique de ma monographie sur Nietzsche, cf. Sossio Giametta, L’individuo scatenato, in «Il domenicale» du 12 avril 2003, p. 7.
[10]. Sur la critique de Montinari, cf. S. Giametta, Saggi nietzscheani, Napoli, La Città del Sole, 1998, p. 260-261.
[11]. Sur les problèmes de la traduction italienne, cf. G. Campioni, art. cit., p. 43.
[12]. S. Giametta, L’antisemitismo nostalgico di Nietzsche, in «Il Giornale», 31 janvier 2002.
[13]. « Quale Nietzsche è stato censurato », La Repubblica, 27 décembre 2002, p. 39.
[14]. Gianni Vattimo, Anticipatore di Nietzsche ci aiuta a capirlo meglio, dans La Stampa, 25 maggio 2003, p. 19.
[15]. Ralph Waldo Emerson, Essays and Lectures, ed. Joel Porte, New York, The Library of America, 1983, p. 732-745, 950, 954 e 1084. Sur la célébration impérialiste d’Emerson, cf. Piero Bairati (a cura di), I profeti dell’impero americano. Dal periodo coloniale ai nostri giorni, Torino, Einaudi, 1975, p. 242.
[16]. Cf. Houston S. Chamberlain, Die Grundlagen des neunzehnten Jahrhunderts (1898), Ungekürzte Volksausgabe, München, Bruckmann, 1937, p. 328.
[17]. Cf. en particulier Neil Baldwin, Henry Ford and the Jews. The Mass Production of Hate, New York, PublicAffairs, 2001.
[18]. Cf. Wilhelm Vollrath, Th. Carlyle und H. St. Chamberlain, zwei Freunde Deutschlands, München, Lehmanns, 1935.
[19]. Sur la lecture critique d’Emerson après la guerre du Vietnam, cf. Michael Lopez, « La retorica della guerra in Emerson », in Giorgio Mariani (a cura di), Le parole e le armi. Saggi su guerra e violenza nella cultura e letteratura degli Stati Uniti d’America, Milano, Marcos y Marcos, 1999, p. 198.
[20]. Sur le rapport Nietzsche-Emerson, cf. Élisabeth Förster-Nietzsche, Das Leben Friedrich Nietzsche’s, Leipzig, Naumann, 1895-1904, vol. II, p. 176.
[21]. Sur le jugement d’Elisabeth sur Hitler, cf. Joachim C. Fest, Hitler. Eine Biographie, Frankfurt a. M. – Berlin – Wien, Ullstein, 1973, p. 458-9.
[22]. Cf. Karl Jaspers, Philosophische Autobiographie (1977), Erweiterte Neuausgabe, München-Zürich, Piper, 1984, p. 101. La traduction de Pierre Boudot (Autobiographie philosophique, Paris, Aubier, 1963), se fondant sur le texte de 1958 (on peut penser que Jaspers a voulu épargner Heidegger encore vivant …), paru dans Philosophie und Welt. Reden und Aufsätze, ne comprend pas ce chapitre.
[23]. Cf. Alfred Baeumler Nietzsche, der Philosoph und Politiker (1931), tr. it., a cura di Luigi Alessandro Terzuolo, Nietzsche filosofo e politico, Padova, Edizioni di Ar, 2003.
[24]. Cf. Domenico Losurdo, Antonio Gramsci dal liberalismo al « comunismo critico », Roma, Gamberetti, 1977, p. 82.